Plongée dans l'univers de ces artistes amateurs qui ne perceront jamais
Dernière mise à jour : 11 janv. 2021
Ils ne verront jamais plus que les salles des fêtes environnantes ou les soirées cabarets du coin, et ce pour de multiples raisons. Mais ce n'est pas pour cela qu'ils sont méconnus, au contraire, ce sont souvent ceux qui bénéficient des communautés les plus actives. Plongée au cœur de l'univers de ces AMANI, artistes musicaux amateurs non identifiés.
Mais qui sont-ils, ces AMANI ?
En général, ils sont assez faciles à cerner. Les clips sont souvent mal réalisés, kitsch, et ne parlons pas des visuels qui feraient friser un graphiste chauve ! L'AMANI aime aussi se produire seul, ou en reprenant des titres connus, la fameuse cover !
Leur nom de scène est en général tiré par les cheveux (putain, j'ai un problème avec les cheveux moi !), et se résume souvent à une déformation de leur nom civil. Certains sont assez rigolos, mais le plus souvent assez moyens. Exemple avec le prénom Karine, qui donnera des noms du genre K-Reen, Kar-In, ou bien RineKa...
Enfin, dernier indice de taille, leur nom sur les réseaux sociaux est souvent suivi des termes "artistes", "compositeur SACEM", "auteur-interprète", "page pro" et autres joyeusetés sémantiques.
Des artistes qui sont extrêmement suivis
Même si musicalement c'est souvent compliqué, ces artistes du dimanche possèdent souvent un réseau de personnes qui les suivent et sont adeptes de leur musique, allant de l'admiration au fanatisme. Un de ces artistes dont nous tairons le nom nous a un jour confié avoir dû déposer plainte contre une fan qui était devenue très collante au point de le harceler.
Les suiveurs sont souvent des personnes âgées, ou bien des proches des artistes en question.
Leurs fans sur les réseaux sociaux sont parfois nombreux et très réactifs, ce qui leur permet d'avoir des résultats plus qu'honorables à tous les tremplins nécessitant uniquement des votes du public. Dans les sombres débuts de TST Radio (on fait tous des erreurs) nous avions organisé ce type de "top artistes". Le principe était simple il fallait venir voter une fois toutes les 6 heures sur notre site, et le premier à la fin de la semaine gagnait un petit cadeau.
Et bien certains fans se réveillaient la nuit pour voter ! Chose improbable dans des tremplins plus professionnels.
Malheureusement, dès qu'un jury est de la partie, il en est fini de nos AMANI qui sont éjectés, malgré leurs très nombreux votes.
Un écosystème musical à part entière
Du fait que ces artistes amateurs possèdent une communauté active, cela permet à tout un écosystème de vivre autour de ces artistes. Des producteurs aux oreilles facilement acquises les produisent, leur permettant ainsi de sortir de nombreux albums. Car c'est aussi un élément caractéristique de nos AMANI, une très forte productivité d'album souvent bâclés et techniquement pas oufs. Nous avons régulièrement reçu des titres tout simplement inaudibles, car réalisés sur du matériel inadapté. Pour l'anecdote, nous avions fait part une fois de ce désagrément à un des artistes, qui nous a demandé de vérifier notre système audio, car de son côté aucun problème.
Pour certains il s'agit d'un album par an, tandis que d'autres préfèrent vous inonder de clip. Le financement participatif est monnaie courante, et il est réalisé avec succès grâce aux suiveurs. Viennent ensuite tout le réseau des webradios amateurs qui les diffusent largement, augmentant ainsi leur légitimité d'artiste. Et tout le monde s'en sort gagnant, les fidèles écoutant leurs artistes préférés lors des émissions dans lesquelles ils sont diffusés, souvent dans des spéciales "nouveaux talents". Ces webradios, souvent gérées par des particuliers, se retrouvent actuellement en danger. En effet, les webradios sont désormais redevables de nouveaux droits d'auteurs ce qui risque fort d'en mettre beaucoup en difficulté financière.
Enfin, les organisateurs de concerts permettent à tous ces artistes de goûter aux plaisirs de la scène. Et n'allez pas croire que le public n'est pas au rendez-vous, les AMANI parviennent fréquemment à remplir des salles où des artistes plus renommés auraient du mal à faire salle comble.
La dure marche à franchir
Même si ce petit écosystème vit bien, les artistes ne parviennent généralement pas à en sortir. La faute à de l'amateurisme trop prononcé et à un manque de talent brut, que ce soit dans le timbre de la voix ou techniquement parlant.
La marche est donc souvent impossible à franchir et la majorité est condamnée à rester dans cet écosystème pendant que d'autres s'y complaisent.
Mais de quelle marche parle-t-on ? Que veut dire vraiment percer dans la musique ? La notion est vague et assez subjective. Notre définition de la percée est par exemple le fait de se produire dans des SMAC, d'être diffusé sur des FM nationales, ou bien tout simplement de vivre de sa musique.
Ce que nous devons apprendre des AMANI
Ces artistes, parfois moqués comme sur la page Yolo Musique par exemple, nous donnent cependant 2 grosses leçons.
La première c'est qu'une communauté réactive et engagée permet de faire de grandes choses quand on sait les mobiliser, ce que parviennent facilement à faire ces AMANI.
Enfin la deuxième c'est de faire ce qu'il nous plait, sans avoir la crainte du jugement. Ces artistes sont beaucoup plus heureux que d'autres qui sont bien meilleurs techniquement ou vocalement. Ils ne perceront pas, mais ils donnent du bonheur aux gens qui les suivent, et c'est bien là l'essentiel.
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